Startup Life

Le financement participatif expliqué I Crowdfunding

Entretien avec le CEO et le fondateur de la start-up « Shipplo » :

Saad CHKAIL

Question 1 : Comment jugez-vous l’accès au financement pour les start-up au Maroc ?

D’après ma petite expérience et d’après les rapports réelles du Maroc, je vois que le financement des start-up est encore  nul au Maroc, il n’y a pas un grand appétit pour le risque. En fait, ce qu’il faut savoir c’est que le modèle économique marocain s’est atténué, pourquoi ? Nos ancêtres sont des agriculteurs, des marchands, et des gens qui embrassent l’entrepreneuriat, ils étaient des gens qui créent de la richesse, à travers la vente des produits ou des services, ils étaient tous des entrepreneurs.

La tendance de ces 20ans ou 25ans précédents, c’est que ces gens ont été un petit peu effacés du marché, parce qu’il y a eu des investisseurs structurés qui sont rentrés, des conglomérats et des multinationales. Ces derniers ont un petit peu dominé, et donc l’entrée sur le marché est devenue difficile pour un petit entrepreneur, vu le manque d’accès au financement comparé aux investisseurs structurés et grandes boites ; Ce qui fait, ces derniers créent de l’emploi. Je crois le Maroc jusqu’aujourd’hui créent plus ou moins 150 000 emplois par an, si je me trompe pas. Alors que concrètement, le Maroc a besoin d’un tout petit peu plus de 300 000 emplois créés chaque année. Le problème ici c’est qu’il n’y a pas assez d’entrepreneuriat, non pas parce qu’on n’est pas des entrepreneurs, nous le sommes par nature et nous l’avons hérité de nos ancêtres, mais par manque d’accès au financement.

 Donc je juge toujours que l’accès au financement des start-up au Maroc est super difficile.

Question 2 : Le Crowdfunding est considéré comme une source de financement alternative. Que pourront être vos principales motivations pour utiliser le Crowdfunding ?

En tant que start-up, notre motivation pour utiliser le Crowdfunding est le fait d’avoir des fans, des personnes qui vont nous aider, des personnes qui vont nous supporter et qui, en quelque sorte, vont devenir les ambassadeurs  de la marque des produits. En fait, un simple client peut être un financeur de projet, et donc, mis à part le produit ou la contrepartie qu’il aura par la suite, il va se dire : je suis la personne qui a aidé à la création de cette start-up qui est devenue maintenant « the unicorn of the year ». Donc je crois que le Crowdfunding a beaucoup de cœur.

Ainsi, les contributeurs peuvent être des backers ou investisseurs, des utilisateurs ou clients, des ambassadeurs, ou encore des shareholders ; ça n’a pas de limite et cela constitue toute la beauté du Crowdfunding.

Question 3 : Comme tout autre moyen de financement, le Crowdfunding a ses risques voire des points négatifs ? A votre avis, que pourront être ces risques ?

 Oui le Crowdfunding a des risques, et ils sont un petit peu clairs.

Parlons du risque quand la start-up est toujours en phase d’idée ou d’amorçage. Dans ce cas, la start-up n’est pas encore créée, et si l’entrepreneur veut faire appel au Crowdfunding pour se financer, il y aura une très forte probabilité d'échec, c’est-à-dire même si celui qui va pitcher est un super bon pitcheur et l’entrepreneur et son équipe sont des gens magnifiques, le risque d’échec est immense. Et automatiquement, si on a un risque immense comme ça, on ne va pas avoir un champion.

D’un autre côté, on n’a pas un processus réelle et facile, pour que n’importe quelle personne puisse authentifier que les informations, qui vont être données par l’entrepreneur ou la start-up demandant le financement auprès de la foule, soient éligibles et vérifiées, il n’existe pas de veritas. Ceci va faire appel, automatiquement, à des gens qui n’ont aucune relation avec le Crowdfunding mais qui sont de bons vendeurs qui peuvent faire beaucoup d’argent  et se casser. Ce point négatif va impacter tout l’écosystème, toute la stratégie et toute la bonne chose que comprend le Crowdfunding.

Pour moi, on peut éviter ce problème, si on dispose d’un code éthique, mais pas à 100%. Ainsi, il faut aussi que les backers soient capables de comprendre que c’est juste une start-up et la beauté de celle-ci réside dans les risques élevés qu’elle présente, mais le plus important c’est que s’ils gagnent, ça sera la grande victoire.

Question 4 : Selon vous, quels pourront être, les facteurs de réussite et d’échec d’une compagne de Crowdfunding ?

Je crois l’une des clés de réussite d’une compagne de Crowdfunding est la communication avec la communauté et les contributeurs. Donc le premier facteur, pour moi, c’est la vidéo et la communication, ce sont deux éléments très importants pour réussir sa compagne.

La deuxième chose est le Track record. Je pense que n’importe qu’elle start-up doive avoir un petit Track record, c’est-à-dire un tout petit peu d’ancienneté qui va valider l’offre de la start-up à travers le Minimum Viable Product (MVP) ; Donc il faut absolument avoir un produit qui a été déjà utilisé par une centaine de personnes, et qui a connu une réussite remarquable, après je peux lancer ma compagne de Crowdfunding et je peux collecter les fonds nécessaires, et je suis certain d’être éthique vis-à-vis de la communauté et des gens qui vont investir leur argent pour financer mon projet ou ma start-up.

Aussi, pour la réussite d’une compagne de Crowdfunding, la start-up doit avoir un impact social, on parle de la philosophie du business. Un business n’est pas juste pour encaisser ou retirer de l’argent, oui chaque business ne peut survivre que s’il est rentable, mais la chose la plus importante c’est que  il doit y avoir une philosophie d’existence. Par exemple, la philosophie d’existence de Apple  est « Think Different », celle de Amazon est « Work hard, Have fun, Make history » ; Donc chaque start-up a une philosophie, et cette philosophie ou cette vision a une très grande importance, il faut poser la question de « pourquoi nous existons ? ».

Donc pour récapituler, la réussite d’une compagne de Crowdfunding dépend de la communication et la partie vidéo comme premier facteur de réussite, la partie Track record est super importante aussi, il faut avoir un MVP et avoir quelque chose dans le Track record, c’est-à-dire tout ce qu’on a vécu et survécu en tant qu’équipe, et la dernière chose c’est qu’il faut avoir une philosophie.

Ainsi, après la compagne, il est très important d’avoir une stratégie de reporting biannuelle ou trimestrielle. Il faut expliquer l’état d’avancement du projet et communiquer, chaque 3 mois ou 6 mois, ce qu’on a atteint et ce qu’on n’a pas pu atteindre et pourquoi ; et si on a échoué, il faut s’excuser et avoir un plan pour, par exemple, rembourser sa dette. C’est une question de réputation pour toute l’équipe du projet ou de start-up.

Question 5 : Pensez-vous que le recours au Crowdfunding et le choix du modèle (dons, prévente, prêt, equity)  dépendent du stade du cycle de vie dans laquelle la start-up se trouve ?

Je ne crois pas que ça dépend du stade de cycle de vie.

En effet, si vous avez une start-up qui est financée par l’équipe à 100%, vous pouvez avoir recours au Crowdfunding quand vous voulez. Mais si c’est une start-up qui a déjà fait appel aux Friends & Family, business angels et peut-être des VCs, ça va être difficile de faire appel au Crowdfunding, parce que vous allez être dans la situation où vous devrez payer tous ces gens qui vous ont donné de l’argent, soit par l’introduction en bourse ou la vente de l’entreprise ou encore par le profit généré de l’activité de la start-up.

Donc le recours au Crowdfunding ne dépend pas du cycle de vie de la start-up, mais de quoi il est constitué ton « capital structure », c’est-à-dire la combinaison de dettes et de capitaux propres utilisée pour financer la start-up. Ta start-up peut avoir 17ans d’existence et tu peux faire appel au Crowdfunding, parce que tu veux te développer et tu ne veux pas partir faire le Friends & Family  ou le Business Angels  ou encore les institutionnels ou les VCs. Dans ce cas, le Crowdfunding est une meilleure stratégie, c’est plus facile puisque tu peux tout gérer par ton téléphone.

L’objectif de la start-up est le « exit strategy », c’est-à-dire la stratégie de désengagement, qui peut être à travers la vente de l’entreprise, ou l’introduction en bourse (IPO) pour devenir super rentable. En effet, plus la start-up s’approche à cet objectif, plus elle ne peut pas avoir recours au Crowdfunding.

Donc le Crowdfunding ne dépend pas du stade de cycle de vie d’une start-up mais plutôt de sa structure de capital.

Question 6 : Quel avenir voyez-vous pour le Crowdfunding au Maroc ? Selon vous, quel modèle a le plus d’avenir ?

L’avenir du Crowdfunding au Maroc est immensible mais seulement s’il y a un élan. Il doit avoir une équipe qui lance une compagne de Crowdfunding et la réussir, tout en étant éthique, et elle va tout faire pour arriver à son objectif, pour valider que c’est possible, et que les investisseurs et backers arrivent à gagner de l’argent ou se faire livrer leurs produits. Une fois que c’est validé, tout le monde va le faire, tout le monde va croire en Crowdfunding. Et puis après, s’il est bien médiatisé,  il va y avoir une avalanche de Crowdfunders et de Crowdfunded Companies qui vont venir.

Ainsi, je crois que si le Crowdfunding est super bien structuré mais aussi « lean », ça pourrait vraiment créer de bons projets. Mais nous aussi, les investisseurs, les backers ou les gens qui vont investir pour la bonne cause, on doit aussi prendre un peu de risque et on doit croire à la vision des projets qu’on va voir dans les plateformes de Crowdfunding.

Quant aux modèles, je pense que le Crowdfunding en dons est bien, je l’apprécie. Mais je crois que celui qui fera bouger les choses est l’Equity et le Reward.

Le concept de Reward est une nouvelle stratégie de Crowdfudning : je suis un entrepreneur qui prévoit livrer un super produit qui a, par exemple, une durée de vie illimitée. Pour le faire, il me faut 10 000 dollars. Pour tous les gens qui veulent me financer, je vais leur envoyer 5 produits à 90% moins cher de prix fixé, mais ils ne vont être livrés qu’après 6 mois, et seulement si  j’arrive à le faire.

Le Reward est la meilleure forme de Crowdfunding, parce que même légalement il est bien, puisque ça relève du e-commerce. De même, le client aime ce modèle, parce qu’il arrive à acheter un produit en supportant un projet innovant.

 

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